Siegfried et Odile s’étaient rencontrés lors d’un séjour à la montagne. Alors que le petit chien d’Odile, Bolchoï, s’approchait dangereusement d’un lac gelé, Siegfried était venu le sauver. Les chalets d’Odile et de Siegfried étaient voisins, alors pour le remercier, Odile avait invité Siegfried à boire un chocolat chaud, que celui-ci avait volontiers accepté.
Comme ils habitaient Paris, ils échangèrent leurs numéros de téléphone. Ils ne se reverraient peut-être pas mais leur aventure inattendue avait créé suffisamment de complicité pour que ce geste leur semble naturel.
Après plusieurs semaines de silence, Odile reçut un message de Siegfried.
Il lui disait que, pour son anniversaire, sa mère lui avait offert deux billets pour aller à l’Opéra voir « le Lac des Cygnes ». Il n’y était jamais allé et souhaitait qu’Odile l’accompagne. Malgré son étonnement d’avoir soudainement des nouvelles de Siegfried, elle accepta immédiatement.
Odile était assez curieuse de revoir Siegfried mais surtout elle avait toujours aimé la danse classique, elle l’avait pratiquée intensément jusqu’à l’âge de seize ans.
Aujourd’hui, elle aimait par dessus tout aller voir des ballets classiques ou contemporains. Ce qui plaisait particulièrement à Odile était d’observer en détail les mouvements des danseurs. Un saut ou un porté lui faisait retrouver des émotions passées. La tension d’une arabesque, l’exigence d’un port de tête, la délicatesse d’un mouvement de bras réveillaient en elle des sensations enfouies.
Odile avait déjà vu « le Lac des Cygnes ». Elle en connaissait parfaitement l’histoire. La musique de Tchaïkovsky lui était familière. Mais cette fois, il s’agissait de la chorégraphie créée par Noureev. Elle en avait tant entendu parler, aller voir ce ballet était une occasion rêvée !
Le soir de la représentation, Siegfried avait rendez-vous avec Odile sur les marches de l’Opéra. Il était arrivé en avance pour l’accueillir.
Dans son souvenir, le visage d’Odile était assez fin, elle avait des cheveux bruns et quelques mèches frôlaient ses joues. Alors qu’il l’attendait, il commença à douter. Allait-il la reconnaître ? Allait-elle venir ?
Enfin, elle arriva, il ne fut pas déçu, au contraire. Elle portait une petite robe rouge qui lui allait à ravir, ses cheveux étaient détachés.
Il restait peu de temps avant le début du spectacle, ils n’avaient pas le temps de discuter et de se retrouver, ils se dépêchèrent de monter les marches du Grand escalier pour rejoindre leur place.
L’Opéra était un lieu magique et son atmosphère les avait enveloppés dès leur arrivée. Ils étaient déjà transportés dans un autre temps, ailleurs.
A peine installés, la sonnerie retentit, la représentation allait commencer.
« Le Lac des cygnes est pour moi une longue rêverie du Prince Siegfried » disait Noureev.
Le rideau se leva, le rêve du Prince allait commencer.
Lorsque le cygne blanc parut, Odile ne put détacher ses yeux de la danseuse étoile. Son interprétation du cygne était majestueuse. La perfection se trouvait non seulement dans chacun de ses mouvements, mais aussi dans les expressions de son visage.
La danseuse-cygne la fascinait et l’envoûtait. Comment pouvait-on par un « simple » mouvement de bras ou de main donner l’illusion que votre humanité s’était peu à peu transformée en cet oiseau gracieux ?
Odile se retrouvait dans les espoirs et les angoisses du cygne blanc.
Siegfried, même s’il était emporté par le spectacle, ne pouvait pas vraiment s’identifier à ce Prince tourmenté. D’ailleurs, il n’était pas là pour cela, il était venu pour son anniversaire ! Et peut-être aussi un peu pour revoir Odile. Et pourtant…
Siegfried découvrait que chaque saut, chaque pas de deux, le faisait frissonner. Son coeur battait la chamade comme s’il avait été sur scène. Sans prononcer un seul mot, le Prince lui livrait ses rêves bons ou mauvais, le cygne blanc le séduisait par sa pureté.
Le Prince dansait maintenant avec le cygne noir.
Odile était troublée, le cygne noir était-il également une part d’elle-même ? Elle n’osait se l’avouer.
Siegfried se sentait attiré par le cygne noir et sa beauté ténébreuse. Odile assise à côté de lui, était-elle cygne blanc ou cygne noir ?
Les danseurs, de par leur interprétation, révélaient à Siegfried et Odile, des parties d’eux-mêmes encore méconnues. La rencontre imaginaire allait-elle faire écho à leur propre rencontre ?
Qu’allait-il se passer ? Qu’allait devenir le cygne blanc ? Qui, le Prince allait-il écouter ? Son coeur ou son précepteur ?
Odile et Siegfried faisaient partie de la représentation. Ils étaient happés, hypnotisés. Ils côtoyaient la perfection et la beauté, ils apprenaient la complexité des sentiments. Elle leur était révélée, là, juste sous leurs yeux.
C’était maintenant la scène finale, tragique, le Prince était désespéré, le cygne blanc s’envolait vers les cieux, vers le plafond de Chagall, qui semblait illuminer le décor pourtant sombre de la scène.
Siegfried et Odile se retrouvaient encerclés, sans aucune envie de s’échapper.
Le rideau venait de tomber. Tandis que les applaudissements retentissaient, Siegfried et Odile n’étaient pas encore revenus à la réalité. Cet éventail d’émotions et d’images faisait pétiller leur regard. Des petites portes insoupçonnées et invisibles par l’autre, s’étaient ouvertes en chacun d’eux.
As-tu aimé le spectacle ? demanda Siegfried à Odile, en lui prenant la main.
© LeCarnetdeDameCatherine-2014
Nouvelle inspirée du Ballet du Lac des Cygnes : http://www.noureev.org/rudolf-noureev-choregraphie/rudolf-noureev-le-lac-des-cygnes
Extrait musical du Lac des Cygnes de PI. Tchaïkovski
Supêrbe
Kiss
http://www.mademoisellemode.com/
J’aimeJ’aime
Merci Mademoiselle Mode ! bizz
J’aimeJ’aime