Le luxe feutré, inspiré et intemporel est à l’opposé de celui qui nous est souvent proposé aujourd’hui et c’est pourquoi, les créations de Mariano Fortuny en deviennent magiques et fascinantes.
Vous pourrez découvrir ses créations en visitant l’exposition, qui lui est consacrée jusqu’au 7 janvier prochain, au Palais Galliera.
Les tissus, robes, manteaux ou capes de Mariano Fortuny qu’on appelait le « Magicien de Venise » vous transportent dans plusieurs époques : de l’Antiquité à l’Empire Ottoman, du Moyen-âge à la Renaissance italienne et les années 1920’ mais aussi, dans plusieurs lieux, de Knossos en Crète au Parthénon d’Athènes, de son palais Orfei à Venise à celui de Peggy Guggenheim, des salons de littérature parisiens aux ballets russes de Serge de Diaghilev, très en vogue au début du XXème siècle.

Fortement inspiré par l’Antiquité, et en écho aux fouilles archéologiques de son contemporain Sir Arthur Evans réalisées à Knossos en Crète en 1900, Mariano Fortuny dessine en 1906, le châle appelé « Knossos » et utilise d’ailleurs l’image du labyrinthe que forme le palais de Minos, pour le logo de sa marque.


… puis en 1909, inspirée par le bronze grec, l’Aurige de Delphes, et les Korai de l’Acropole d’Athènes, c’est Henriette Nigrin, l’épouse et précieuse collaboratrice de Fortuny qui créera le premier prototype de la robe « Delphos » qui va en grande partie, faire le succès de sa « marque » et sa réputation.

Ne nous laissons pas aveugler par sa simplicité apparente, cette robe est révolutionnaire à plusieurs titres. D’une part, en épousant les mouvements du corps, la robe « Delphos » permet la libération de la silhouette des femmes, ce qui pour l’époque, est déjà révolutionnaire en soi.

D’autre part, elle est le fruit du développement d’une technique innovante et ce, dans les moindres détails de la conception de ce modèle : évasée dans le bas en corolle, réalisée en fin taffetas de soie, avec une technique de plissé ondulé, et pouvant être créée dans des couleurs dites secondaires.
N’oublions pas que Fortuny, plus que styliste, était avant tout peintre, ingénieur, éclairagiste, et également «alchimiste».

Innovant, en effet, dans l’impression des tissus et la définition des couleurs et des teintures. Fortuny a d’ailleurs déposé des brevets d’invention pour protéger non seulement sa technique de fabrication, mais également le caractère d’inspiration antique de sa robe Delphos.

Concernant les nuances de couleurs, le journal « Le Figaro » de l’époque (mai 1911) expliquait d’ailleurs : « Pour ses belles étoffes il (Fortuny) a ainsi capté les nuances de la lumière : matin, soleil, nuit, aube et clair de lune se reflètent dans ses gazes, dans ses soies comme dans la miroitante lagune Lumière! Mais lumière vue dans l’eau ou à travers ces invisibles vapeurs dont sont environnées les îles. » Source : Le Figaro

Fortuny sera également inspiré par l’Orient, il possédait en effet des multitudes de tissus provenant de Chine, du Japon et du Moyen-Orient, qui étaient pour lui des sources d’inspiration.

Egalement passionné d’histoire de l’art, c’est en 1912, qu’il crée la robe Eleonora, inspirée du Moyen-Age dans sa forme, de la Perse dans ses motifs et des textiles de Lucques au XIVème siècle pour les tissus. La robe Eléonora est agrémentée sur les côtés des plissés caractéristiques de la robe Delphos.


Au delà des robes, Fortuny va créer des capes, des manteaux, des tuniques, des caftans avec des motifs inspirés de différentes cultures (Damas, Cachemire, …). Par exemple, cette magnifique cape en velours de soie, qui peut aussi bien être portée par les hommes que les femmes.

Mais les créations de Fortuny, c’est finalement Marcel Proust qui les décrit le mieux : «La robe de Fortuny que portait ce soir-là Albertine me semblait comme l’ombre tentatrice de cette invisible Venise. Elle était envahie d’ornementation arabe, comme les palais dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierre, comme les reliures de la Bibliothèque ambroisienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie se répétaient dans le miroitement de l’étoffe, d’un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard s’y avançait, se changeait en or malléable, par ces mêmes transmutations qui, devant les gondoles qui s’avancent, changent en métal flamboyant l’azur du grand canal.» (À La recherche du temps perdu; La Prisonnière).
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